Droit, armes nucléaires et inspections citoyennes

Les Inspecteurs citoyens se réclament évidemment de l’article 6 du TNP (voir ci-après). Ils peuvent en outre mobiliser un certain nombre d’autres textes juridiques pour démontrer le caractère impératif, urgent, légitime et légal des inspections menées par eux, qui s’en trouvent ainsi fondées en droit et en principe.

Le Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires : les puissances nucléaires doivent désarmer

Le caractère illicite du maintien par un Etat nucléaire de ses capacités militaires en la matière est rendu absolument manifeste par l’adhésion au Traité de Non-Prolifération, qui dispose en son article 6 que « chacune des Parties au Traité s'engage à poursuivre de bonne foi des négociations sur des mesures efficaces relatives à la cessation de la course aux armements nucléaires à une date rapprochée et au désarmement nucléaire, et sur un traité de désarmement général et complet sous un contrôle international strict et efficace. »

Ratifié par 188 Etats (tous les pays sauf l'Inde, Israël et le Pakistan ; la Corée du Nord en est sortie en janvier 2003), il est entré en vigueur le 5 mars 1970.

Il dispose encore que :

« Tout Etat doté d'armes nucléaires qui est Partie au traité s'engage à ne pas transférer à qui que ce soit, ni directement ni indirectement, des armes nucléaires ou autres dispositifs nucléaires explosifs, ou le contrôle de telles armes ou de tels dispositifs explosifs ; et à n'aider, n'encourager ni inciter d'aucune façon un Etat non doté d'armes nucléaires, quel qu'il soit, à fabriquer ou acquérir de quelque autre manière des armes nucléaires ou autres dispositifs nucléaires explosifs, ou le contrôle de telles armes ou tels dispositifs explosifs. » (Article 1)

« Tout Etat non doté d'armes nucléaires qui est Partie au traité s'engage à n'accepter de qui que ce soit, ni directement ni indirectement, le transfert d'armes nucléaires ou autres dispositifs nucléaires explosifs, ou du contrôle de telles armes ou de tels dispositifs explosifs ; à ne fabriquer ni acquérir de quelque 'autre manière des armes nucléaires ou autres dispositifs nucléaires explosifs, et à ne rechercher ni recevoir une aide quelconque pour la fabrication d'armes nucléaires ou d'autres dispositifs nucléaires explosifs. » (Article 2)

« Aucune disposition du présent Traité ne sera interprétée comme portant atteinte au droit inaliénable de toutes les Parties au Traité de développer la recherche, la production et l'utilisation de l'énergie nucléaire à des fins pacifiques, sans discrimination et conformément aux dispositions des articles 1 et 2 du présent Traité. » (Article 4 paragraphe 1)


L’Avis Consultatif de la Cour Internationale de Justice de 1996 : les armes nucléaires sont contraires au droit humanitaire international. Confirmation de l’obligation des puissances nucléaires à désarmer

La Cour Internationale de Justice de la Haye (Pays-Bas) est la plus haute autorité qui soit en matière de droit international. Nous mentionnons ici les aspects les plus significatifs des Conclusions juridiques de l'Avis Consultatif de la Cour Internationale de Justice publiées le 8 juillet 1996.
  • « Une menace ou un recours à la force au moyen d'armes nucléaires qui est contraire à l'article 2, paragraphe 4, de la Charte des Nations-Unies et qui ne remplit pas les exigences de l'article 51, est illégal. »
  • « La menace ou l'emploi d'armes nucléaires devrait aussi être compatible avec les exigences du droit international applicable dans les conflits armés, spécialement celles des principes et règles du droit international humanitaire, ainsi qu'avec les obligations particulières en vertu des traités et autres engagements qui ont expressément trait aux armes nucléaires […] Il ressort des exigences susmentionnées que la menace ou l'emploi d'armes nucléaires serait généralement contraire aux règles du droit international applicable dans les conflits armés, et spécialement aux principes et règles du droit humanitaire. »
  • « Au vu de l'état actuel du droit international, ainsi que des éléments de fait dont elle dispose, la Cour ne peut cependant conclure de façon définitive que la menace ou l'emploi d'armes nucléaires serait licite ou illicite dans une circonstance extrême de légitime défense dans laquelle la survie même d'un Etat serait en cause » (1). Cette dernière conclusion, contrairement aux précédentes, n’a pas recueilli l’unanimité des juges : sept juges ont voté contre, et sept autres pour, c’est le Président qui a tranché. Les puissances nucléaires se sont évidemment appuyées sur elle pour justifier le maintien de leurs armements. Pourtant, cette attitude contredit les commentaires des juges, qui expliquaient dans le corps de leur texte que cet élément de leur conclusion ne devrait pas être utilisé comme une 'lacune' !
  • « Il existe une obligation de poursuivre de bonne foi et de mener à terme des négociations conduisant au désarmement nucléaire dans tous ses aspects, sous un contrôle international strict et efficace » (2)
Le Protocole additionnel aux conventions de Genève du 12 août 1949 sur la protection des victimes dans un conflit armé international (Protocole 1) : fondements du caractère incompatible du droit humanitaire et du maintien des armes nucléaires

Ce protocole additionnel a été adopté le 8 juin 1977 dans le cadre d’une conférence internationale sur la réaffirmation et le développement du droit humanitaire international applicable aux conflits armés. Il est entré en vigueur le 7 décembre 1979.

Il dispose que :
  • « Il est interdit d'utiliser des méthodes ou moyens de guerre qui sont conçus pour causer, ou dont on peut attendre qu'ils causeront, des dommages étendus, durables et graves à l'environnement naturel » (Article 35 paragraphe 3).
  • « La population civile et les personnes civiles jouissent d'une protection générale contre les dangers résultant d'opérations militaires. Ni la population civile en tant que telle ni les personnes civiles ne doivent être l'objet d'attaques. Sont interdits les actes ou menaces de violence dont le but principal est de répandre la terreur parmi la population civile. Les attaques sans discrimination sont interdites, [y compris] les attaques dont on peut attendre qu'elles causent incidemment des pertes en vies humaines dans la population civile, des blessures aux personnes civiles, des dommages aux biens de caractère civil, ou une combinaison de ces pertes et dommages, qui seraient excessifs par rapport à l'avantage militaire concret et direct attendu. » (Article 51 paragraphe 1, 2, 4 et 5 [extraits])

Les principes de Nuremberg : le devoir de désobéir à des ordres criminels ; les fondements de la qualification de crime contre l’Humanité de l’emploi de l’arme nucléaire

Les principes de Nuremberg sont tirés des conclusions du tribunal de Nuremberg, chargé en 1945 de juger les responsables directs des crimes nazis perpétrés pendant la seconde guerre mondiale. L’avis de la CIJ établit que ces Principes s’appliquent aux armes nucléaires.
  • Principe 1 : toute personne qui commet un acte qui constitue un crime au regard du droit international est par conséquent responsable et passible de sanction.
  • Principe 4 : le fait qu’une personne ait agi sous les ordres de son gouvernement ou d’un supérieur ne la dégage pas de sa responsabilité au regard du droit international, du moment qu’un choix moral était effectivement possible pour elle.
  • Principe 6 : les crimes cités ci-après sont punissables comme crimes au regard du droit international :
- Les crimes contre la paix (guerres d’agression, guerres en violation des traités internationaux).
- Les crimes de guerre (mauvais traitement, meurtre, déportation de la population civile, assassinat d’otages, pillage de biens publics ou privés, destruction gratuite des villes, villages, ou dévastation injustifiée pour des besoins militaires).
- Les crimes contre l’humanité (meurtre de masse, extermination, esclavage, persécutions pour des motifs politiques, raciaux, ou religieux commis dans le cadre de ou en relations avec un crime contre la paix ou un crime de guerre).

Ces principes expriment clairement qu’il est légitime et légal de s’élever contre la préparation ou l’accomplissement d’un crime international quand bien même cela imposerait d’enfreindre un ordre de notre gouvernement, c’est-à-dire une loi nationale. En outre, l’usage d’une bombe nucléaire provoquant nécessairement un meurtre de masse, il revêt incontestablement un caractère criminel.


1. « Ainsi, les méthodes et moyens de guerre qui ne permettraient pas de distinguer entre cibles civiles et cibles militaires, ou qui auraient pour effet de causer des souffrances inutiles aux combattants, sont interdits. Eu égard aux caractéristiques uniques des armes nucléaires auxquelles la Cour s'est référée ci-dessus, l'utilisation de ces armes n'apparaît effectivement guère conciliable avec le respect de telles exigences. Néanmoins, la Cour considère qu'elle ne dispose pas des éléments suffisants pour pouvoir conclure avec certitude que l'emploi d'armes nucléaires serait nécessairement contraire aux principes et règles du droit applicable dans les conflits armés en toute circonstance. » (Article 95)
2. « La portée juridique de l'obligation considérée dépasse celle d'une simple obligation de comportement; l'obligation en cause ici est celle de parvenir à un résultat précis -le désarmement nucléaire dans tous ses aspects- par l'adoption d'un comportement déterminé, à savoir la poursuite de bonne foi de négociations en la matière. » (Article 99)


Missile M51

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